Roland Castro - Un photographe liégeois

Le Groupe de Recherche Photographique Quanta

En été 1993, quelques jeunes photographes liégeois décident, en compagnie de leur ex- professeur (de l'institut Saint-Luc de Liège), Roland Castro, de fonder, dans l’esprit des RIP (rencontres internationales de la Photographie) - d’Arles, un groupe dont la vocation première sera d’être un espace de lecture critique mutuelle. Leur motivation était de combler l’échéance annuelle séparant les différentes éditions des RIP.

Le groupe sera baptisé Quanta, faisant référence à la physique qui appelle du même nom l’unité énergétique minimale. En photographie, l’énergie de référence est la lumière. Pour Quanta, c’était le seul préalable requis à ses champs d’investigations.

Quanta regroupait en moyenne une dizaine de membres, pour l'essentiel, des artistes photographes. ( Le taux de rotation était en moyenne d’une personne par an).

Dès ses débuts, le groupe Quanta est encouragé par Jean-Claude Lemagny, Conservateur en chef au cabinet des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque Nationale de France, qui apporte aussi, annuellement la critique.

Au bout de quelques années de travaux, les choses se précisent et le groupe de recherche photographique Quanta trouve sa ligne de force dans le travail sur le médium photographique et sur ses signifiants plastiques (autrement dit les langages des matières et des différents savoir faire plastiques) ... et se fixe trois priorités :

- Comme principe de base à l’élaboration d’une photographie personnelle, créer un lieu de lecture des travaux de chacun et ceci par l’échange des points de vues, par des discussions sur les démarches, par l’exploration du médium. (Le groupe se réunissait en moyenne tous les quinze jours et travaillait en général sur base de grilles d’analyses). - Faire de Quanta un lieu de réflexion sur les valeurs de la photographie dans ses rapports avec l’art contemporain. Dans ce sens, Quanta était un espace où s’articulaient questionnements, recherches et productions. - Réaliser une diffusion des œuvres : indépendamment des expositions personnelles, organiser une fois l’an une exposition collective traduisant l’état des recherches.

A partir de 1995, sera ainsi organisée annuellement, de manière autonome ou avec le concours d’une galerie ou d’un centre d’art, en Belgique ou à l’étranger, au moins une exposition permettant de faire le constat de l’avancement des recherches individuelles.

Bien que le groupe se soit toujours refusé d’être une école de pensée unique - donc, qu’un style ou qu’un sujet-thème spécifique, qu’une technique particulière se dégagent comme dominants - une similarité d’approche de la photographie a toujours été perceptible.

Le commun dénominateur était certainement la photographie extrême, celle qui allait à l’encontre d’autres disciplines artistiques tout en se respectant elle-même. On parlera souvent de cohérence dans la diversité. Ce qui fait en sorte que les expositions collectives ont pu garder une certaine « homogénéité », particulièrement porteuse de sens par la façon de faire.

La volonté, dès 1997, d’ajouter du sens (collectif) par la présentation a encore accentué cette image.

Dans un esprit d’ouverture, le groupe Quanta invitait aussi de temps à autres des personnalités du monde de l’art contemporain à assister à ses réunions de travail.

Ainsi, sera-t-il salué par un écrit de Jean-Marie Klinkenberg (de l’Académie royale des Sciences des Arts et des Belles-lettres, professeur de sémiologie à l’université de Liège et membre du groupe µ (mu), qui souligne tout l’intérêt des recherches artistiques réalisées par les photographes de Quanta, notamment quant à l’autonomie du signe plastique en particulier (dont entre autres, la matière photographique).

En 2002, afin de mieux asseoir l’originalité de son approche de la photographie, le groupe Quanta décide de prendre les accents d’un mouvement dont les valeurs seront inscrites dans un manifeste :

"Le plus précieux dans la création photographique, c’est la matière-lumière ; elle constitue l’essence que le sujet a souvent occultée. Ce que QUANTA retient de l’empreinte lumineuse est comme une ossature autour de laquelle le photographe élabore son action plastique. Nous mettons en œuvre la lumière pour faire naître des variations de formes, de chromatisme, de texture et essayer, ainsi, de questionner la photographie."

Les membres du groupe Quanta étaient(par ordre alphabétique) :

Yves Chaineux, Alain Devahive, Jeff Goffart, Nicole Heywang, Frédéric Karikese, Eric Mathy, Chantal Pinosa, Angelo Pinosa, Maryse Pinsar et Vicky Roux.

Quanta, un processus de création artistique...

Le système Quanta reposait sur une structure triangulaire identifiée dans un artiste, un groupe et un monde extérieur. Au sein de celle-ci, les protagonistes entretenaient des relations directes de l’un à l’autre. Le monde extérieur, et le lieu où les artistes évoluaient malgré eux. Le groupe était l’image à laquelle chaque membre de Quanta assimilait tout ce qui en est issu.

Cette interdépendance était à l’origine d’un processus communicationnel apparaissant inévitablement comme circulaire et dont le moteur était l’artiste lui-même.

Le scénario débutait lorsque l’artiste membre de Quanta confiait au groupe le fruit d’expériences artistiques acquises au hasard de son vécu. Dans le cadre d’une lecture collective, par principe inscrite directement et le plus fidèlement possible dans la démarche personnelle de l’auteur, le groupe Quanta renvoyait des réponses au propre questionnement de l’artiste.

Ce dernier, ne pouvant se soustraire à ces nouvelles données en raison de la légitimité qu’il confère à leur source, alimentait à nouveau le processus à toute occasion où il livrait aux regards le résultat de nouvelles expériences.

L’élément dominant du système était à l’évidence l’artiste. Le groupe, au service de ce dernier, remplissait un rôle qui s’avèrera particulièrement efficace à partir du moment où l’artiste lui reconnaissait la capacité réelle de s’inscrire dans sa propre démarche.

En 2003, le groupe engage une réflexion à propos de son propre fonctionnement et identifie qu’il est animé d’un véritable processus de création artistique.

Durant l’été 2005, le groupe perdra sa figure de proue, Roland Castro. Cet événement sera un véritable séisme pour le groupe Quanta.

(Yves Chaineux. Pour le groupe Quanta. A l’occasion de la Biennale Internazionale di Fotografia di Brecia, 2006)

Présentation des membres :

Vicky ROUX - Une empreinte de doigt, faite à la gouache sur un fragment de verre, est son négatif, son empreinte non lumineuse. Ce négatif est agrandi pour être tiré selon un procédé pigmentaire : la gomme bichromatée qui lui permet d’obtenir des noirs profonds. En apparence, Vicky Roux est une artiste plasticienne plus qu’une photographe. Pourtant, la lumière propre à la gomme bichromatée (procédé historique) fait de cette artiste une photographe.

Roland CASTRO - On a pu croire que la photographie, prolongement de l’œil, nous procure un accès direct au monde : enregistrement mécanique, objectif ; tirages sur papiers dit neutres... Chez Roland Castro, il y a une prise de vue toute traditionnelle. Ensuite, il y a tirage pigmentaire sur des supports confectionnés. Ces supports et pigments sont autant signifiants.

Nicole HEYWANG - Avant la première photographie de Niepce, il y eut bien des échecs : du trop clair, du trop sombre, du flou... Le flou est un des premiers signes photographiques, l’un des plus travaillés. Nicole Heywang se sert de flous pour faire émerger des traces éphémères de la lumière décomposée.

Frédéric KARIKESE - met en scène des décors et des personnages façonnés par son imaginaire. Ses prises de vue sont le théâtre d’une alchimie mystérieuse. Son œuvre nous emporte vers un ailleurs.

Eric MATHY - Au travers de ses images, Eric Mathy nous montre son amour du sujet photographié « sa destruction aussi et, enfin, le regret de l’avoir détruit ». En utilisant la destruction de l’espace iconique traditionnel, Eric Mathy joue de l’ambiguïté entre ce qui semble et ce qui est.

Jeff GOFFART - Par l’utilisation des procédés photographiques et radiologiques, argentiques et numériques, tend à reproduire le visible et l’invisible des êtres et des choses, dans une fusion des plans rendant leur vision trouble.

Alain DEVAHIVE - « dépose » sur le papier, une lumière qui deviendra nuance de gris. Il procède aussi à des découpes plasticiennes. Pas de prise de vue, c’est-à-dire pas d’appareil photographique qui reçoit de la lumière sur un élément photosensible. Cependant, l’illusion du modelé, la mimésis du réel sont souvent très présentes.

Chantal PINOSA - Capte les sujets généralement mis en scène, avec un appareil, photographique argentique en regimbant vis-à-vis des normes photographiques. Les négatifs sont ensuite scannés pour numérisation, en transgression des paramètres de scannage. Procède ensuite à divers maniements en sublimant les contraires, créant un climat propice, menant à une interprétation en abstraction du sujet.

Maryse PINSAR - Pousser les contrastes dans leur extrémité maximale, en passant par le pointillisme, jusqu’à obtenir une image minimaliste. L’abstraction fait apparaître l’essentiel de l’icône de départ.

Quanta... c'était aussi trois hommes précieux :

- Jean-Philippe Castro (comptabilité)
- Yves Chaineux (mise en espace des expositions)
- Angelo Pinosa (secretariat).